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La Lutte contre la Corruption en Afrique: L’exemple de EFCC au Nigeria

Le Nigeria, comme plusieurs pays africains, fonctionne sur la corruption, le vol, la rapine et les détournements généralisés à tous les étages de l’Etat, des institutions et des entreprises publiques, du sommet à la base. Les efforts de EFCC contre cette « kleptocratie » est loin d’être parfaite, mais ils donnent l’opportunité de tester des modèles efficaces qui devraient être partagés et reproduits par d’autres pays africains.

La corruption est un véritable frein à la croissance économique,  à la stabilité démocratique, et au développement social. Ce phénomène global décourage les investissements privés nationaux et internationaux, réduit les investissements publics avec des pertes des recettes fiscales, et est le plus souvent à l’origine les tensions politiques et sociales.

Depuis le milieu des années 1990, la lutte contre la corruption occupe une position de premier plan sur l’agenda mondial avec la mise en place des organisations dont les missions sont d’élaborer et de promouvoir des modèles adaptés, spécialement dans les pays africains où la corruption, sous toutes ses formes, est répandue. L’adoption de la Convention des Nations Unies contre la Corruption par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2003 constitue un moyen unique d’apporter une réponse mondiale à un problème mondial.

En Afrique, l’Union africaine a adopté en Juillet 2003 à Maputo, la Convention sur la prévention et la lutte contre la corruption et les infractions assimilées. Plusieurs pays africains ont approuvé et adhéré au Mécanisme d’Evaluation par les Pairs du Nouveau Partenariat de Développement de l’Afrique (NEPAD). En adhérant à ce mécanisme d’autocontrôle, les africains ont exprimés leur engagement en faveur de la bonne gouvernance politique, économique et sociale. Au niveau sous-régional, existent de nombreuses initiatives comme le Protocole contre la corruption de la Communauté économique des pays d’Afrique australe adopté en Août 2001, le Protocole contre la corruption de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest adoptée en Décembre 2001, le Groupe d’action international de lutte contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest ou le Réseau des organisations de lutte contre la corruption de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest créé en Mars 2009.

Le Nigeria est la locomotive des initiatives en la matière en Afrique de l’Ouest grâce à une expérience accumulée dans la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent. Depuis les années 1960, le pays s’est efforcé de répondre aux exigences de la lutte contre la corruption en initiant de nombreuses réformes institutionnelles visant la prévention, les mesures d’application de la législation, et la sensibilisation du public.

Les trois principales institutions de lutte contre la corruption au Nigeria sont le Bureau de code de conduite et le Tribunal de code de conduite, la Commission indépendante en charge de lutter contre la corruption et autres crimes, et la Commission des crimes économiques et financiers (connu sous son acronyme anglo-saxon EFCC).  

EFCC : Des efforts louables

Créée en 2003, EFCC est perçue aujourd’hui comme l’institution de lutte contre la corruption la plus efficace au Nigeria sur la base des indicateurs de réussite comme la perception de l’opinion publique, les enquêtes, les poursuites judiciaires, la saisie des biens et le recouvrement des avoirs, la consolidation des institutions financières locales, et la reconnaissance internationale. Le Nigeria a été retiré en Mai 2005 de la liste des Etats et territoires non coopératifs du Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux. L’Unité d’intelligence financière nigériane (NFIU) organiquement subordonnée à EFCC est membre depuis 2007 du Groupe Egmont, un groupement informel international de lutte contre le blanchiment des capitaux. Même si la corruption est encore perçue au Nigeria comme endémique par rapport à l’indice des perceptions de la corruption de Transparency International, le pays est passé de 142e en 2006 à 121e en 2008 avant de rétrograder à 130e en 2009.

Des résultats encourageants qui ont incité la communauté internationale à organiser et coordonner l’assistance technique au profit de EFCC avec la mise à disposition d’experts,  des ressources financières et de l’appui politique. L’un des résultats concrets de cette assistance est la mise en place des systèmes informatiques, éléments indispensables dans la réussite d’une commission nationale anticorruption. Parmi ces outils développés par l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime avec l’appui financier de l’Union Européenne, on peut citer le logiciel de lutte contre le blanchiment d’argent (goAML), le système de gestion des cas de corruption (goCASE) ou le modèle de mise en place des infrastructures informatiques et des centres de données (goIDM).

 En Juillet 2010, le système goAML installé à NFIU comptait plus de 8 millions de transactions bancaires. NFIU est l’unité nigériane du renseignement financier mise sur pied afin de recueillir, d’analyser et de communiquer des renseignements financiers concernant les soupçons de blanchiment d’argent et de financement d’activités terroristes. Cette unité est effective grâce à une réforme du secteur bancaire coordonnée par la Banque centrale nigériane.

La mise en place des solutions informatiques a permis à EFCC d’accroître sa performance et celle de la communauté nationale du renseignement. L’implication de la Commission dans le processus d’assainissement du secteur financier initiée par la Banque centrale nigériane a produit d’assez bons résultats. Par exemple, cette opération a permis le recouvrement de prêts de mauvais crédits s’élevant à environ 1,4 million de dollars américains au moment de la mise sous presse. EFCC a initié 188 charges criminelles contre 16 hauts responsables bancaires et agents de change. Elle a aussi parvenu a bloqué des avoirs de plus d’un milliard de dollars américains appartenant à deux hauts responsables bancaires.

En sept années d’existence, EFCC a initié plus de 20.000 enquêtes et écroué plus de 500 criminels y compris de hauts responsables politiques. Cette institution a procédé au recouvrement de plus de 6 milliards de dollars américains and rendu aux victimes d’innombrables biens et avoirs pour des crimes commis hors du territoire nigérian. Les récentes initiatives de EFCC couvrent la campagne d’information et de sensibilisation, les enquêtes sur la taxe et la lutte contre la cybercriminalité.

EFCC : Les défis majeurs

Malgré ces résultats, EFCC fait face à plusieurs défis sérieux qui entravent la réussite de ses missions. Ces défis sont politiques, législatifs, judicaires, organisationnels et techniques. A titre d’illustration, la loi de 1945 réduit l’efficacité juridique et ne reconnaît pas la recevabilité comme preuve en justice des documents électroniques. Par ailleurs, les procédures judicaires sont lentes et la majorité des procès notamment des hauts responsables, sont bloqués dans les tribunaux du pays. 

Depuis plusieurs années au Nigeria, la corruption s’est massifiée et démocratisée. Les solutions précédentes doivent être non seulement intensifiées et améliorées mais aussi soutenues dans la durée. Une approche protéiforme comprenant des mesures proactives et réactives offre de meilleures chances de réduire la corruption dans ce pays. Une pareille stratégie inclus les réformes de régulation du système financier, la transparence dans la gestion des deniers publics, la réorganisation du cadre institutionnel et la revalorisation de la situation économique des agents publics, et la coopération effective des agences nationales de lutte contre la corruption.      

Les stratégies de lutte contre la corruption demeurent inefficaces si elles sont séparément mises en place. La  combinaison des efforts et intelligences de plusieurs agences génère une force multiplicative et de nombreux bénéfices. Les récentes initiatives visant à accroitre la coopération entre les agences de régulation et de renforcement de la loi avec la mise en place d’un système informatisée de partage d’information aiderait, on l’espère, le Nigeria à restaurer une image déjà très écornée et une intégrité nationale.

EFCC est une organisation ouverte au sens de Ludwig von Bertanlanffy. Par conséquent, cette institution est soumise à plusieurs influences externes et soulève des controverses. Comparés à d’autres agences anticorruption en Afrique subsaharienne comme la Commission nationale de lutte contre la corruption et la concussion du Sénégal ou la Commission nationale anticorruption du Cameroun, EFCC prouve que la lutte contre la corruption en Afrique est un exercice complexe certes, mais possible qui nécessite un bon leadership.

Le Nigeria, comme plusieurs pays africains, fonctionne sur la corruption, le vol, la rapine et les détournements généralisés à tous les étages de l’Etat, des institutions et des entreprises publiques, du sommet à la base. Les efforts de EFCC contre cette « kleptocratie » est loin d’être parfaite, mais ils donnent l’opportunité de tester des modèles efficaces qui devraient être partagés et reproduits par d’autres pays africains.

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