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Quelques commentaires sur le Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites sur le Continent africain présidé par le Président Thabo Mbeki

Les sommes d’argent quittent illégalement le Continent africain chaque année grâce, entre autres, à l’évasion fiscale, la mauvaise facturation et le trafic entre les pays. Les estimations varient en fonction des sources et des méthodes de calcul (Banque Mondiale, Global Financial Integrity qui est un institut de recherche sur la criminalité, ou les travaux de recherche de Ndikumana et Boyce en 2011 cités dans les articles ci-dessous). Mais de manière générale et selon certains experts, l’Afrique a connu une hémorragie totale de l’ordre de 854 milliards à 1800 milliards de dollars américains sur la période 1970-2008.

J’ai eu la chance de suivre dimanche dernier la dernière journée des travaux de la Septième réunion conjointe de la Conférence des Ministres sur l’industrialisation au service du développement inclusif et de la transformation en Afrique, organisée conjointement par l’Union Africaine (UA) et la Commission des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) à Abuja au Nigeria.

J’ai été très heureux de suivre la présentation par l’ancien président de la République de l’Afrique du Sud, Thabo Mbeki, du rapport intérimaire du Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites sur le Continent africain connu sous son appellation anglo-saxonne de High Level Panel on Illicit Financial Flows. Présidé  par Thabo Mbeki et composé de neuf experts, ce comité a été créé en 2011 par une résolution de la quatrième réunion annuelle conjointe AU/CEA des ministres des finances, du plan et du développement économique en Afrique. Il a été inauguré le 18 février 2012 à Johannesburg en Afrique du Sud.

Le panel est chargé de :

  1. déterminer la nature, les modalités, l’ampleur et les canaux empruntés par les sorties illégales de capitaux d’Afrique;
  2. sensibiliser les gouvernements africains, les citoyens, les décideurs, les responsables politiques et les partenaires au développement à cette question;
  3. mobiliser un soutien en introduisant les règles, réglementations et politiques permettant d’endiguer les sorties illégales de capitaux;
  4. peser sur les politiques et les programmes engagés à l’échelon national, régional et international pour lutter contre le problème des sorties illicites de capitaux en provenance d’Afrique.

Les sommes d’argent quittent illégalement le Continent africain chaque année grâce, entre autres, à l’évasion fiscale, la mauvaise facturation et le trafic entre les pays. Les estimations varient en fonction des sources et des méthodes de calcul (Banque Mondiale, Global Financial Integrity qui est un institut de recherche sur la criminalité, ou les travaux de recherche de Ndikumana et Boyce en 2011 cités dans les articles ci-dessous). Mais de manière générale et selon certains experts, l’Afrique a connu une hémorragie totale de l’ordre de 854 milliards à 1800 milliards de dollars américains sur la période 1970-2008.

Les capitaux détournés auraient pu servir à appuyer le développement humain et des investissements rentables dans les infrastructures économiques, pouvant entrainer une réduction du taux de chômage et permettre à l’Afrique de nourrir ses populations avant de rêver à atteindre un quelconque objectif pour le développement !

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L’initiative de la CEA et de l’UA est louable et doit être saluée et soutenue par tous les Africains car c’est la première fois sur le Continent qu’une haute personnalité comme le Président Mbeki porte ce sujet á l’échelle mondiale. Voici un problème hautement important pour la survie des populations des pays africains. Tout le monde en parle depuis des années, mais personne n’a pris jusqu’alors réellement les mesures à la dimension du mal.

Divers mécanismes, (dont l’initiative pour la restitution des avoirs volés, le renforcement des registres de commerce, une sensibilisation accrue des prestataires de services juridiques, financiers ou administratifs qui manipulent ces structures juridiques) tentent péniblement d’identifier, de débusquer et de restituer ces actifs illégaux.

L’expérience a montré que la coopération (sincère ?), souhaitée entre les pays africains, les pays récepteurs des fonds illégaux et le système financier international pouvant stopper cette hémorragie ne marche pas. Le cas d’ « Abacha’s loot » et les procédures de recouvrement en Suisse des avoirs des ex-dictateurs, Mobutu Sese Seko de l’ex-Zaïre actuellement République démocratique du Congo (RDC) ou encore de Jean-Claude Duvalier (Haïti) en sont une parfaite illustration.

Comment voulons-nous que la coopération marche quand le manque de volonté politique et d’éthique, l’irresponsabilité des dirigeants politiques dans les pays concernés par le travail du panel du Président Mbeki (à savoir les sous-régions d’Afrique centrale et de l’Ouest) fait qu’aucune institution nationale ou régionale soit incapable de déterminer de façon exacte le volume des capitaux qui quittent ces pays ? On sait pourtant que les sorties de fonds sont provoquées par l’appropriation illicite de ressources par le vol, la spoliation de biens publics, la corruption ou des prix commerciaux mal ajustés.

Dans un rapport intitulé « Biens mal acquis… profitent trop souvent », l’ONG Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) -Terre solidaire plaidait en 2009 en faveur d’une « mobilisation des sociétés civiles en faveur de la restitution des biens mal acquis ». Le rapport du CCFD synthétisait une multitude de rapports officiels, de travaux d’ONG et d’enquêtes journalistiques décrivant la fortune accumulée en France par les familles de dirigeants africains et tendant à démontrer les origines douteuses de ces fonds. On connait la suite !

Certains observateurs estiment donc que dans ce cas précis, comme dans d’autres, que les Africains devraient d’abord balayer devant leurs portes avant de vouloir le faire devant la porte des autres ! Ils posent dès lors des questionnements suivants : pourquoi les unités d’intelligence financières et les organismes sous-régionaux comme le Groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique Centrale (GABAC) et le Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest (GIABA) marchent à peine alors que les modèles et les outils destinés à ces structures existent et fonctionnent très bien dans d’autres cieux ? Pourquoi les agences de régulation des marchés publics ne fonctionnent pas ? Quel mécanisme a-t-on mis sur pied pour renforcer les capacités institutionnelles et/ou opérationnelles dans ces deux types d’institutions pour ne citer que ces deux exemples?

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Il ne faut pas se tromper de cibles : les dirigeants politiques africains sont les principaux responsables de la fuite des capitaux même si on est conscient que les actifs illégaux sont souvent protégés par une architecture juridique sophistiquée (sociétés écrans, fondations, trusts, etc.…).En effet, il existe plusieurs conventions internationales de lutte contre la corruption, de nombreux instruments et normes de surveillance internationaux, les dispositions relatives aux marchés publics dans les instruments de lutte contre la corruption.Ces instruments émanent d’un nombre significatif d’organisations internationales telles que les Nations Unies, l’OCDE, les instances politiques et économiques internationales, notamment le G7, et de la Commission Européenne. Aux pays africains de les signer, les ratifier et les appliquer de manière adéquate !

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