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Les Camerounais sont-ils devenus criminophiles ?

Tout le monde sait comment ces crises commencent ; mais personne ne sait comment elles se terminent, ou plus comment elles vont évoluer. L’évolution de la guerre au NOSO avec des massacres de masse comme ceux de Ngarbuh ou de Kumba, les émotions du moment exprimées sur les réseaux sociaux davantage pour des convenances politiques, et l’oubli qui s’ensuit les lendemains des massacres, montrent que les Camerounais sont tous devenus criminophiles.

Depuis 2016, beaucoup d’entre-nous voulions éviter l’embrasement des provinces du Sud-Ouest et du Nord-Ouest car nous autres avions vécu les méfaits de la criminophilie, cette fascination pour les crimes, la corruption et les criminels. La criminophilie est une déviance psychologique extrêmement destructrice pour celui qui en souffre. En effet, le criminophile éprouve une fascination pathologique pour les criminels et est prêt à tout pour les défendre.

Ma longue expérience internationale m’a montré que les crises comme celles qui secouent notre pays aujourd’hui commencent toujours de manière banale comme à Yobe (Nigeria) en 2005 ou à Bamenda (Cameroun) en 2016 et transforment inexorablement la population toute entière en un groupe de criminophiles, bien malgré elle.

Il est sans doute important, pour étayer mon propos de rappeler l’origine de Boko Haram. Pendant que j’étais en poste au Nigeria, j’ai vu l’évolution d’une crise qui est née dans l’Etat de Yobe pour se transformer en un monstre terroriste, Boko Haram, qui traversa aisément la frontière poreuse entre le Nigeria et le Cameroun, créant ainsi pleurs et désolations… ceci jusqu’au jour d’aujourd’hui.

Boko Haram est à l’origine de nombreux massacres, attentats et enlèvements à l’encontre de populations civiles de toute confession, au Nigeria mais aussi au Cameroun, au Niger et au Tchad. Il est responsable de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et est classé comme organisation terroriste par le Conseil de sécurité des Nations unies le 22 mai 2014.

Pendant le même temps, le Nigeria a connu de nombreuses crises partout dans le pays dont les plus marquants étaient concentrées au Sud du pays, dans l’Etat du Delta, avec des sabotages d’installations pétrolières de multinationales étrangères revendiquées régulièrement par les Vengeurs du delta du Niger (NDA). Selon les chiffres du gouvernement, les crimes liés au pétrole ont entraîné une perte moyenne annuelle de près de 2,8 milliards de dollars de recettes.

Tout le monde sait comment ces crises commencent ; mais personne ne sait comment elles se terminent, ou plus comment elles vont évoluer. L’évolution de la guerre au NOSO avec des massacres de masse comme ceux de Ngarbuh ou de Kumba, les émotions du moment exprimées sur les réseaux sociaux davantage pour des convenances politiques, et l’oubli qui s’ensuit les lendemains des massacres, montrent que les Camerounais sont tous devenus criminophiles.

Plus jamais çà ! Je suis Ngarbuh ! Je suis Kumba !  Voilà des formules bateau de souhait général pour que des épisodes aussi vrais qu’invraisemblables restent définitivement gravés en nos mémoires autant que rejetés de nos pratiques comme déviations absolues sur l’idée même de l’homme. La fermeture de cette césure innommable dans l’histoire de notre pays, qui fera à jamais la honte de tout Camerounais digne de ce nom, est LA priorité du moment. Nous devons faire arrêter, juger et condamner les extrémistes de tous bords qui massacrent les Camerounais.

Ce qu’on oublie c’est que ce qui est arrivé samedi le 24 octobre 2020 aux enfants à l’école « Mother Francisca Bilingual Academy », dans la ville de Kumba peut bien se passer demain à Douala, Édéa, Sangmélima, Kribi ou Yaoundé. Cette nouvelle « norme sociétale » que nous nous sommes imposée, parce qu’incapables de comprendre l’évolution de notre société pour proposer une République incluse et tolérante, nous place dans le registre des incapables et/ou des irresponsables.

Incapables de protéger nos enfants et irresponsables pour avoir échouer de définir cette conscience collective nationale et une éducation à la paix au sens durkheimien du terme. Les Camerounais se sont longuement mentis à eux-mêmes et au monde entier en vantant une société paisible dans une République unie et indivisible !

L’exacerbation de féroces luttes tribales de l’heure et les replis ethniques matérialisés par le nombre des groupes à caractère tribal créés par les Camerounais sur les réseaux sociaux, notamment Whatsapp et Facebook, ne militent pas en faveur d’une telle société.

Sans une conscience collective nationale, il n’y a point de société camerounaise ! 

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